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Les âmes grises


Auteur Philippe CLAUDEL La note de ThD
08/10
Pays France
Première parution 2003
Éditeur Stock
Lu Octobre 2003

Que dire de ce roman ? Qu’il a mal commencé, et très bien fini. Mal commencé parce que paru chez Stock, et j’avoue il partait donc avec un a priori négatif (j’ai toujours du mal avec les romans de cet éditeur). Mais bon, j’en avais lu de très bonnes critiques. Je l’ai lu, un peu à reculons. Et bien sûr, ai eu beaucoup de mal à y entrer. Au final, j’ai enfin réussi à m’y mettre, et j’ai vraiment apprécié la seconde moitié.

1917. Une petite ville de l’est. Les tranchées sont proches, et on entend les combats au loin. La petite communauté accueille les estropiés du front. Mais la vie continue. Et cette vie est soudain troublée par l’assassinat de "Belle-de-jour", la fille de l’aubergiste, une fillette de dix ans, laissée au bord d’un fossé. Le magistrat de la ville, qui vit dans le grand Château, ne semble guère préoccupé. Deux coupables sont vite désignés, deux pauvres déserteurs qui ont le malheur de passer par là. Personne ne dit rien, et les deux gars font de parfaits boucs-émissaires...

Au départ, le roman est un peu brouillon. Les histoires se succèdent, on a l’impression que l’auteur veut nous raconter plusieurs scènes sans rapport entre elles. Ce n’est qu’au fur et à mesure de la progression qu’on reliera un peu tout. La langue est agréable tout le long. Mais la seconde moitié surtout se révèle prenante. Contrairement à ce qu’on pouvait croire au début, les personnages ont tous de multiples faces. Le manichéisme apparent vole en éclat. Tous les protagonistes se révèlent beaucoup plus riches que prévu, aucun n’est blanc, aucun n’est noir. Tous révèlent des "âmes grises". Le narrateur lui-même se révèle lentement. Le dernier chapitre notamment est terrible. L’aveu d’un homme que plus rien ne retient à la vie, qui a trop survécu pour avoir la force de continuer à vivre et qui ose se libérer du pire. Comme dans "La douleur de Manfred", on voit comment l’amour peut conduire à l’irréparable, comment la souffrance envahit tout, lentement, silencieusement. De très belles pages finales donc, qui à elles seules méritent qu’on se penche sur "Les âmes grises".