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Marie-Antoinette


Auteur Stefan ZWEIG La note de ThD
08/10
Pays Autriche
Titre original Marie Antoinette
Traduction Alzir Hella
Première parution 1933
Parution France 1933
Éditeur Grasset - Cahiers rouges
Lu Février 2003

De Stefan Zweig on connaît surtout les romans et nouvelles. Mais il s’est essayé aussi à la biographie (Fouché, Marie Stuart, Magellan). Pour ma part, j’ai été emballé par sa bio de Marie-Antoinette. Quel talent ! Inutile de revenir sur la forme : on lit du Zweig (et notre si prolixe mais si mauvais Max Gallo fait vite figure de gratte-papier besogneux face à tant de talent).

Zweig ici ne romance pas le XVIIIe siècle. Zweig fait un véritable travail d’historien. Son oeuvre est très documentée, et largement étayée de correspondances diverses, de la Reine elle-même, mais aussi de Marie-Thérèse d’Autriche, du beau Fersen... Zweig ne se contente pas de raconter. Il analyse et prend position : oui, Fersen a bien été l’amant de Marie-Antoinette ; oui, il y a bien eu trahison durant la guerre... Mais il reste honnête. Il a bien sûr une grande tendresse pour Marie-Antoinette, mais il ne cache pas pour autant ses erreurs tragiques des premières années. Oui, elle a dépensé des sommes inconsidérées, oui elle ne pensait qu’à son propre plaisir, oui elle était frivole, écervelée, immature. Mais dès que les soucis commencent, dès les premiers remous de l’affaire du Collier, que de dignité, que de grandeur !

L’histoire va alors aller de plus en plus vite, et on se retrouve au sein d’un véritable roman. Un rebondissement à chaque page. Et la Reine affrontera tout avec la plus grande dignité, toutes les humiliations et menaces, tous les coups bas, toutes les lâchetés, jusqu’à ces derniers mois où on lui interdira même de voir son fils. Et tout au long des 500 pages, on se dit que tout s’est toujours joué de si peu. Le Roi et la Reine auraient eu mille occasion de mettre fin aux troubles, de calmer le peuple, puis de fuir et de se mettre à l’abri. Mais voilà, Louis XVI était tout sauf un roi. Ses atermoiements incessants ont perdu sa famille. Aussi, une fois la couronne tombée, toute l’Europe s’est désintéressée du sort de la famille Capet et n’a rien fait pour les sauver, au contraire. Seul Fersen a essayé de se battre jusqu’au bout. Fersen et quelques autres, quelques nobles émigrés qui ont préféré au dernier moment rentrer en France pour se mettre au service du roi et de la reine, et courir ainsi à une mort certaine. Et Stefan Zweig nous raconte tout ça avec brio.

Si vous n’avez jamais lu de biographie, commencez vraiment par celle-ci. Elle se lit comme le meilleur des romans. En même temps, on est aussi frappé par la modernité de l’analyse. On sent que la psychanalyse a fait du chemin (Zweig a publié son Marie-Antoinette en 1933). Il n’hésitera pas à convoquer papa Freud pour expliquer les frustrations de la jeune reine (comment ne pas finir immature quand on a 20 ans et que votre mari est incapable d’honorer ses devoirs conjugaux). Plus tard aussi, il essaiera de comprendre comment le jeune dauphin a pu imaginer son histoire d’inceste...

Et en plus de tout ça, la langue est belle. L’histoire passionnante ; même si (désolé de mettre fin au suspense) elle finira mal. On m’avait pourtant toujours raconté qu’au dernier moment Fersen avait pu sauver la reine, l’amener aux Pays-Bas puis en Amérique, où ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. On m’aurait menti ?